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29/11/2020

Entretien Le Goût Acide Des Conservateurs

Le Goût Acide Des Conservateurs (LGADC) : une pochette de disque qui m’évoque les couvertures des livres de vulgarisation scientifique des années 70.

 

Coïncidence, au moment même où le défunt Palais de la Découverte de Paris (PDLDDP) vend à la découpe aux enchères son matériel d’exposition pédagogique coloré qui a émerveillé ou ennuyé des générations de gamins.

Ils étaient beaux ces appareils beaux comme des jukebox ou synthétiseurs analogiques de la collection du chanteur Christophe qui ont été vendus aussi aux enchères récemment.

 

Heureusement tous les synthés et boîtes à rythmes ne sont pas dans les vitrines de collectionneurs mais bien vivants dans les studios de musiciens comme le duo formé par Fred Louvat et Yann Lélias.

 

 

1_Vous avez choisi un nom de groupe qu’on ne peut pas oublier, ça vient d’où ? Une enquête de 60 millions de consommateurs sur les additifs alimentaires ? Et le titre de votre album Iskachrome ? J’ai trouvé que c’était le nom d’un cheval de course né en 1974…

 

Il y a quelques années, avant d'aller répéter, nous mangions sur le pouce des salades de supermarché en barquette. Un soir, Fred m'a dit : "tu le sens le gout acide des conservateurs ?" Voilà comment nous avons retenu cette phrase pour le nom de notre groupe. Le nom de notre album est en effet le nom d'un cheval ! (On garde le pourquoi du comment secret)

 

2_Vous avez sorti un premier disque sous ce nom en trio qui faisait le lien avec votre précédent groupe Alice the Goon en conservant une instrumentation rock, vous êtes passés à un instrumentarium électronique au départ du batteur ou vous partiez déjà vers ça ?

 

Nous nous sommes retrouvés à 2 fin 2017, puis peu de temps après, on nous a proposé une première partie au 106 à Rouen. Nous étions à ce moment un peu en réflexion sur la suite, mais nous avions très envie de jouer ! Nous avons donc très rapidement et dans l’urgence construit un set en laissant la guitare et la batterie de coté pour proposer une formule avec synthés, basse et boîtes à rythme. C’était stressant car la date du concert était assez proche, nous avions seulement quelques semaines pour proposer un set qui tienne la route. Mais ce fut une très bonne expérience. Nous avons donc décidé de continuer dans cette voie.

 

3_Vous vous imposez une discipline de composition régulière ? Vous avez un studio à la maison à disposition quand vient l’inspiration ?

On essaye de se bloquer ensemble 2 heures par semaine pour composer et répéter à la maison ou dans un local de répétition. Il y a aussi un travail d'écriture en solitaire chacun de notre coté. On privilégie l’enregistrement dans un studio, mais nous avons le matériel pour enregistrer nous-même. Avec cette crise sanitaire, nos habitudes sont un peu chamboulées et nous sommes un peu en stand-by créatif depuis quelques mois, mais ça va revenir !

 

4_S’il y a un domaine où on ne peut pas dire « c’était mieux avant » c’est celui de la lutherie électronique, depuis quelques années le néo- analogique permet d’avoir du matériel fiable et abordable, vous utilisez le même matériel en concert et en studio ? (Si ça vous branche vous pouvez vous lâcher là-dessus je suis un grand malade des synthés…)

 

Faire de la musique avec des synthés est venue petit à petit. Dans notre précédent groupe de rock, Fred utilisait déjà un petit orgue pour ajouter quelques leads… et puis au fil des années, nous avons accumulé quelques synthés simplement pour le plaisir de s'amuser avec. Quand le goût acide des conservateurs s'est concrétisé dans sa formule électro, il fallait passer aux choses sérieuses ! Cela a pris quelques temps avant de trouver une configuration que nous pouvions plus ou moins maitriser sur scène avec notre petite expérience. Je ne voulais pas utiliser de laptop sur scène, car cela me coupe un peu tout mon plaisir de jouer live, donc naturellement, on a commencé avec des instruments électroniques simple et abordables. Notre configuration est assez sommaire, Fred joue des lignes de basse et fait aussi des percussions avec une cymbale et des piézos le tout passé dans des effets. Sa voix est également traitée avec un processeur d'effet voix. Moi j'utilise une boite à rythme cyclone TT78, synchronisée avec un Minibrute Arturia qui me sert principalement pour jouer des basses et j'utilise alternativement un Casio MT65 ou un Roland RS09 pour faire des nappes et mélodies. Nous avons également un sampler sp404 pour envoyer des sons de percussions ou des nappes bruitistes. Globalement, nous avons enregistré notre disque comme nous le jouons sur scène. Nous avons ajouté quelques pistes ambient en plus pour étoffer un peu, mais on reste vraiment proche de ce que nous produisons sur scène.

 

5_Avec des parties rythmiques minimalistes, une basse entêtante, des nappes synthétiques oniriques, des séquences obsédantes, un chant pop presque récitatif vous réussissez à créer de belles ambiances immersives entre krautrock à la Cluster / Harmonia et post new wave à la Algebra Suicide ou X Ray Pop. En soit ce n’est pas une question mais vous pouvez commenter 

 

Pas grand chose à ajouter si ce n'est que ce son que nous avons sur scène et sur disque, s'est construit sans vraiment de plan ou de références établies. Je crois que l'idée première était de marquer une rupture avec notre précédent groupe de rock, de partir presque à l'opposé… à l'époque, j'avais été marqué par Beak le groupe Geoff Barrow qui avec très peu de moyen propose toujours des ambiances et une identité très forte. On est pas du genre à arriver en répétition en se disant "faisons un titre à la manière de". On pose souvent les bases de nos titres en improvisant tout les 2. Si on valide le brouillon, Fred va écrire des paroles et on va structurer le morceau. On essaye de ne pas se fixer trop de barrière. On suit nos inspirations du moment. On a se besoin commun de travailler sur des ambiances froides, lentes et de suspendre le temps.

Concernant les groupes que tu cites, nous en écoutons bien sur régulièrement parmi ceux que tu cites mais également des tas d'autres styles également. En ce moment Fred est dans une période Elvis Presley et Chet Baker ! Moi, je me fais un revival rock/folk 70's, Neil Young, Cat Stevens, un peu de vieux Pink Floyd… les classiques. On part vraiment dans tout les sens dans ce qu’on écoute tous les jours, pas de barrières, du mainstream au plus confidentiel.

 

 

6_Il y a une thématique écologique sous-jacente sur l’album il me semble, non ?

 

Oui bien sur, Fred qui écrit les paroles, est très sensible à cette question.

 

7_Vous êtes bien en cohérence avec les autres publications du label ERR REC comment s’est passé la connexion ?

 

La rencontre s'est faite très simplement. Nous avions enregistré 6 titres, et j'ai contacté Gilles du label Err Rec qui a dit Banco dans les 10 mn après lui avoir envoyé l'album ! Il nous a demandé d'ajouter 2 titres pour faire un album complet. Nous avons passé l'été à composer  2 nouveaux titres, cette fois à la maison. Ensuite, nous nous sommes rencontrés plusieurs fois et le courant est vraiment super bien passé ! On est super fier d’avoir notre album parmi ce catalogue de grande qualité et hyper heureux de s’être fait de nouveaux copains.

 

8_Graphiquement la pochette de votre album me rappelle celle d’Ash Ra Tempel « New Age Of Earth », c’est une référence pour vous ?

https://www.discogs.com/fr/Ash-Ra-Tempel-Manuel-G%C3%B6tt...

 

La conception de la pochette est signée Bolanile Matté du label Err Rec. C'est elle qui fait la création de toutes les pochettes du label, Ils sont très attachés à avoir cette cohérence graphique sur leurs sorties. Je ne pense pas que ce soit une référence au groupe Ash Ra Tempel. Il faudrait demander à Bolanile. En tout cas j'ai découvert ce groupe il y a à peine 1 mois ! j'aime beaucoup l'album que tu cites.

 

9_Elle m’évoque aussi des tubes à essais, est-ce que chacun de vos morceaux est une expérience de petits chimistes ?

 

Quand nous avons découvert la pochette, c'est également ce à quoi nous avons pensé : des tubes à essai. Cela peut-être un clin d’œil en effet. Produire des textures sonores s'apparente à une sorte de travail de chimiste amateur.

 

 

10_Un petit jeu pour finir :

 

J’ai découvert votre groupe précédent Alice the Goon que je ne connaissais pas.

 

Je vous propose des morceaux « Alice », vous me dites Stop ou Encore et un petit commentaire ?

 

Alice Cooper « Hallowed Be My Name”

https://youtu.be/Gmo_WxfvNL4

 

On ne s'est jamais vraiment penché sur la discographie d'Alice Cooper

"Stop"

 

Eddy Mitchel “Alice

https://youtu.be/JBp5qQrgMGI

Encore, même si on préfère les yeux couleur menthe à l’eau.

 

Alice “Il vento caldo dell'estate”
https://youtu.be/0Ahwev5CqBg

Encore, l’intro est imparable. Entendu des 100aine de fois, mais ça marche toujours. On peut classer ça un peu dans l’italo-disco non ?

 

Alice Donut “Love Rollercoaster “

https://youtu.be/KPzjxmIRDDI

je ne connais pas ce groupe… mais dans le genre je suis pas trop fan. La voix est pas tip top.

Je préfère Biafra ! (je viens de voir qu’ils étaient signés sur le label de Jello Biafra, pas un hasard du coup !)

 

Alice Coltrane “A Love Supreme”

https://youtu.be/89c00fGC838

On ne connaissait pas. Encore.

 

Pierre Perret “Alice

https://youtu.be/UTIIiz-kHDI

ouais bon… non.  Stop

 

Alice Dona “C’est pas Prudent »

https://youtu.be/tT7lioFpo2o

 ça c’est très bien, on valide. Encore

 

Alice « Axis »

https://youtu.be/8HwcKdIR28c

un bel ovni underground et obscure comme on aime à chiner sur youtube : Encore

 

Franky Vincent « Alice ça Glisse »

https://youtu.be/rTxFN6Oyom8

 Stop ?

 

 Les albums de LGADC :

https://legoutacidedesconservateurs.bandcamp.com/

 

A signaler aussi Projet de Vie, les enregistrements en solo de Yann dans une veine minimal électro à l’ancienne comme on aime :

https://projetdevie.bandcamp.com/

https://err-rec.bandcamp.com/

 

le gout acide des conservateurs.jpg

 

 

 Une sélection de morceaux proposée par le groupe :


My north Eye, c’est le one man band de Yann Lafosse notre compagnon de route.
Nous avons fait quelques tournées avec lui et c’est toujours un immense plaisir.
Il pratique une folk sombre et minimalisme sans concessions.
https://mynortheye.bandcamp.com/track/how-many

Aña c’est Amandine et David, on se côtoie depuis bientôt 20 ans.
David possède un don précieux pour enregistrer.
Pour presque chaque album, nous faisons appel à ses services.
Amandine, tourne également en solo dans toute l’Europe avec son projet solo : « Moonya »
https://anawave.bandcamp.com/track/one-hundred-birds

Yan Hart-Lemonnier, c’est le copain d’Angers, il a mixé notre album, toujours de bon conseil, à l’écoute.
Il a dirigé le label Ego Twister pendant pas mal d’années.
https://yanhartlemonnier.bandcamp.com/track/l-ge-dor

On reste dans la famille avec le génial Bernard Grancher. Nous avons quelques projets en commun qui ne vont pas tarder à sortir début 2021.
Bernard est un véritable boulimique de sons et de bidouillages en tout genre, il sort 3 disques par an !
https://gbbgarkestra.bandcamp.com/track/la-famille-id-ale

Nuisible, un groupe à des années-lumière de notre univers, mais Julien et Alex sont des copains avec qui nous avons partagés pas mal de soirées. Pendant des années, nous avons côtoyé les mêmes locaux de répétitions… forcément ça créé des liens.
https://terrainvaguerecords.bandcamp.com/track/two-sided-...

Ellah A. Thaun, c’est notre dernière grosse baffe en concert.
Un univers singulier et vraiment personnel, on est pas dans la pose, c’est viscéral et ça se sent.
https://ellahathaun.bandcamp.com/track/nuclear-kiss

Julien Thomas, on l’a rencontré via Yan Hart Lemonnier.
Expert en cosmic music, Julien produit avec une facilité déconcertante de longues plages ambient. Un grand talent !
https://julien-thomas.bandcamp.com/album/le-long-de-la-ch...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

17:22 Publié dans Entretiens | Commentaires (0)

23/11/2020

Entretien avec Sasha Andrés / A Shape

La gueule béante d’un haut fourneau c’est la pochette du nouvel album de A Shape « Iron Pourpre » qui nous met tout de suite dans l’ambiance d’un creuset alchimique noise rock en fusion d’où s’échappe la voix de Sasha Andrés bien connue de nos services comme chanteuse charismatique du groupe Héliogabale depuis ? Depuis ?

Je ravive mes vieux neurones… Je pense avoir assisté à leur premier concert en 1992, salle Dragonfly dans le 12eme à Paris, avec Sister Iodine à la même affiche si je ne m’abuse…

J’y avais été emmené depuis ma lointaine banlieue par mon ami et voisin Jean-Noël D. (Guitariste du groupe pop Meek) et probablement informé du concert en écoutant l’émission Helter Skelter sur Aligre FM qu’animait alors Vivian Vog le bassiste d’Héliogabale.

Ce concert avait été pour moi une révélation !

 

1_Sasha, tu te souviens aussi de ce concert ? Etait-ce bien le premier d’Héliogabale ?

Si je me souviens de ce concert? ... On n’oublie jamais les premières fois;) et celle là cʼétait celle dʼHeliogabale. Lasson, chez Lucrèce, avec les Sister Iodine oui... Jʼai gardé de ce premier live des tas de flashs, des sensations, une urgence quʼon allait déglinguer ensemble, avec Vivian, Philippe et Klauz, sans se concerter... oui, beaucoup de tension et dʼenvie, et on sʼétait jetés dedans sans se demander comment... Intense.

2_Bon, c’était ma séquence ancien combattant du rock mais passons à A Shape, peux-tu nous présenter le groupe ? J’étais complément passé à côté de votre premier album…

Alors A Shape, je les ai rencontrés par leur son, ils mʼont envoyé un jour en 2015 quelques morceaux enregistrés maison et mʼont demandé si je voulais bien les écouter et si il y en avait un qui me tentait pour poser une voix dessus.
Je leur ai répondu que avec Heliogabale, même si on ne jouait presque plus, cʼétait pas fini, que même si jʼavais fait pas mal de featuring avec des potes sur plein de morceaux en dehors dʼHeliogabale, jʼavais pas envie de jouer dans deux groupes en parallèle, et aussi que jʼhabitais plus sur Paris mais à 700 bornes etc...

Au final jʼai ouvert les fichiers... En me disant, pourquoi pas un feat sur un morceau si jamais... Le premier cʼétait celui qui est devenu Furtive Spiral... Jʼai accroché tout de suite en fait, donc jʼai posé une voix direct sur lui, puis jʼai écouté les autres compos, et elles mʼont toutes donné envie de me mêler à leurs sons.
Envoi de fichiers vers eux donc, leur réponse, ça semblait être la bonne alchimie, et ça a commencé́ comme ça, sans se connaître en vrai...
Eric Pasquiet à la guitare avait fondé le groupe avec Mat Le Gouge à la basse, puis Tanguy Delaire les avait rejoints à la batterie.
Tanguy a enregistré avec nous le premier album, Inlands, et ensuite il a arrêté́, et cʼest Anthony Serina qui a repris les baguettes pour Iron Pourpre.

3_Comment avez-vous abordé ce deuxième album ? On se prend une grosse claque sonore directe qui ne fait que monter et se mouvoir, les morceaux ont été composés séparément où l’album est venu d’un bloc ? Comment s’est passé l’enregistrement ?

 

On fonctionne toujours à partir dʼimpros en répètes. Cʼest souvent eux trois qui commencent puisquʼils se voient régulièrement et que je ne les rejoins que de temps en temps.
Ensuite ils décomposent, triturent, enlèvent, ajoutent, jʼécoute, jʼécris, je les rejoins et quand ça nous plait, on essaie de cristalliser un peu tout ce quʼon voudrait pouvoir refaire, même si on est plusieurs dans ce groupe à aimer le travail dʼimpro, ils ont choisi lʼangle qui permet de pouvoir rejouer des morceaux en live .
Pour Iron Pourpre, ils ont emmené des compos assez fraîches quʼon nʼavait, pour certaines, jamais joué live, et moi jʼavais pour chaque morceau au moins deux ou trois textes que je mettais ensemble au moment dʼenregistrer.
Eric a eu un problème de santé le deuxième jour de lʼenregistrement, il est parti avec les pompiers et nous, à trois, on sʼest calés sur ses guitares témoins quʼil avait enregistrées le premier jour. On a été super rapides, de toute façon yʼavait pas le choix, lʼautoprod ça doit pas dépasser quelques jours ;)
Eric a refait ses grattes en sortant de lʼhosto, et ensuite le mix et le mastering chez Nicolas Dick à Marseille.

 

4_Philippe Thiefaine d’Héliogabale est invité à la guitare sur un titre mais il y a surtout Quentin Rollet qui joue du sax furieux sur la deuxième partie de l’album ça contribue vraiment à l’aspect incandescent des morceaux, il est intervenu à quel moment de la composition ? Au passage ça me fait penser forcement à l’album Funhouse des Stooges ce sax !

 

Oui! Quentin est venu, je lui avais envoyé 2-3 morceaux et il avait dit ok, au final il joue sur la moitié de lʼalbum! ;)) Et cʼétait génial parce quʼévidemment il a compris tout de suite quʼil était libre, comme nous aussi on lʼétait, et quʼil pouvait faire ce quʼil voulait, et quʼaprès on verrait bien si on gardait ou pas. On a tout gardé je crois bien...

Et aussi son monotron qui ajoute un truc super intéressant... En plus vivement les live! On se connait depuis pas mal dʼannées et cʼest toujours un bonheur de le retrouver. Pour Philippe, cʼest Eric qui a eu envie de lui envoyer des morceaux et Philippe ( Thiphaine) en a choisi un et il a croisé ses cordes avec nous, ça aussi jʼadore...

Après on avait cette envie dʼêtre très ouverts, et au départ il devait y avoir dʼautres guests mais ça sʼest pas fait... Au final, cʼest cool tel que cʼest là.

 

5_Ça fait presque trente ans depuis les débuts d’Héliogabale ta voix a forcément évolué, Moi je trouve que tu as ouvert ta palette sonore à plein de nuances que tu n’abordais pas au début. Comment le ressens-tu ?

 

Oui, cʼest sûr, jʼai plus la même voix quʼà 17 ans, jʼai eu pas mal de vies en une vie et la musique, les musiques ont été un élément tellement énorme pour moi, ça mʼa sauvé...
Et jʼai toujours envie de venir jouer avec les autres, comme quand on est gosses, quand leur son me touche... Jouer, chanter, cʼest un langage tellement génial, je connais rien de mieux, on est directement connectés, présents intensément, et en même temps ensemble complètement ailleurs...

Cʼest vrai que quand on écoute les premières compos dʼHélio, cʼest surtout le cri qui mʼarrivait, ça allait avec ma vie. Mais avant Helio jʼavais joué avec dʼautres musiciens et là ma voix était plus douce, je chantais vraiment... Pis les épreuves, et plus possible de faire sortir autre chose que le cri... Et ensuite jʼai eu la chance de rencontrer plein dʼautres musiques, et de pouvoir parfois jouer, chanter, parler autrement... Et ça mʼa ouverte, ça mʼa réparée...
Je suis toujours partante pour plonger dans un monde sonore...
Jʼadore aller en territoires inconnus.
Cʼest aussi pourquoi quand Nico Laureau mʼa envoyé des compos en me disant tʼécoutes, tu mʼenvoies tes pistes, voix ou ce que tu veux, et on touche à rien, si ça nous plait tel quel on garde, si on pense quʼil faut reprendre ci ou ça, on laisse tomber. Cʼétait complètement mon envie de faire les choses comme ça aussi.
On a fait quelques chansons sous le nom de Specio.
Aussi avec le projet sur Twin Peaks avec Tadash, Clément Malherbe et Cyrille Poumerie. Ou avec Kai Reznik avec lequel jʼai adoré partir sur des pistes neuves, où jʼécrivais des histoires avec des dialogues que je chantais à plusieurs voix ensuite... merveilleuse schizophrénie;)...
En tout cas oui, la voix cʼest mon instrument et mon torrent, et il change tout le temps...

 

6_Dans le dernier album d’Héliogable Ecce Homo (2017) il y a des textes en français très forts avec beaucoup d’impact, tu n’étais pas tenté pour A Shape ?

 

Oui, le français sur Ecce Homo mʼa plu... Dʼailleurs jʼaime cette langue et je lʼutiliserai plus, je suis en train de lʼexaminer, de la tordre pour quʼelle me vienne plus près, quʼelle arrête de me sembler distante... Je lʼaime plus à lʼécrit quʼà lʼoral pour dire vrai, et ce depuis toute petite... à lʼoral je préférais les accents de ceux de ma famille qui parlaient une autre langue... Le français, jʼy viens sur le tard... mais jʼy viens...;

7_J’ai un peu perdu le fil de la scène noise rock (surtout française), il y des groupes actuels ou des grands anciens toujours actifs que tu me conseillerais de suivre ?

 

Dans les titres que je tʼai envoyés (*), il y a des choses que jʼaime écouter en ce moment, après jʼécoute toujours beaucoup de jazz, de classique, de rap old school, beaucoup de silence aussi, les bruits de la nature...et sy ;)
Dans les trucs que tu connaitrais peut-être pas, il y aurait ça: jʼai découvert un groupe en concert dans un squatt à Montreuil, organisé par lʼirremplaçable Eric Cooney dʼen veux tu en vʼlà, ils sʼappellent Chamanes Chômeurs et leur concert était hyper bien.

Il y a Alexandre LF qui me fait découvrir plein de sons car cʼest un vrai passeur, et lui, son ami Simon et leur batteur Ludo, jouent dans une formation ultra bruitiste géniale, ils sʼappellent Trans Frontal et il faut les voir en live ! Avis à ceux qui organisent des concerts! Enfin, dès quʼon pourra à nouveau embraser avec du son les scènes!! ...

 

8_En plus du chant est-ce que tu joues des instruments ? Est-ce que tu as des projets en solo en mode « home studio » ? D’autres collaborations ?

 

oui, je fais des trucs chez moi, où je joue du synthé ou du piano, et de la gratte ou de la basse à ma façon, jʼadore toucher tous les instruments, et en faire des trucs différents, les percus aussi... Mais mon plus grand bonheur reste de jouer avec dʼautres...

9_La période n’est pas favorable mais on pourra espérer voir A Shape en concert prochainement ?

 

là, jʼen sais rien... cʼest la misère de sortir un album diy et dʼavoir toutes nos dates annulées... mais oui, dès que le monde se relève, on sera là! Ou bien avant, en petit comité, dans un endroit secret... on verra...;

 

10_Une question générationnelle pour finir : tes enfants, ils écoutent quoi ?

Les miens sont bloqués sur les classiques (AC /DC, Nirvana, Led Zeppelin, Beatles, Stranglers, Metallica…) Et dans les concerts de rock « underground » je ne croise presque uniquement que la tranche d’âge 40 / 60 ans, alors, ils sont où les jeunes ?

 

Mes enfants ... ils ont 21 et 13 et ils nʼécoutent pas tout à fait les mêmes trucs... Le grand cʼest plus des musiques electro et rap, mais aussi bien les Beatles comme toi;) mais aussi des trucs instrumentaux assez amples, plus ambiants. (sur lesquels il danse). On se fait écouter pas mal de choses, et des fois cʼest lui qui me fait découvrir un morceau dʼAznavour!... ;)

Le petit, cʼest plus la bande de groupes belges, rap, aussi des français comme odc ou Saro, et aussi des trucs carrément de vieux comme Cure, Police, Ministry ...

Cʼest pas si vrai quʼil nʼy a pas de jeunes aux concerts noise underground... ça dépend plus de qui organise les concerts des fois que de lʼaffiche pour drainer un public ... Et jʼai déjà été surprise de jouer devant pas mal de très jeunes gens...
à la Station par exemple, le public est souvent super jeune, et cʼest cool quand ça se mélange, les âges.

Les gamins sont assez différents de comment on était nous à leur âge devant une scène pendant un concert, mais il y en a aussi qui nous ressemblent salement, et jʼaime bien quand ils sont sauvages...;)

A Shape.jpg

 

Se procurer l’album de A Shape :

 

https://ashape.bandcamp.com/

 

A Paris vous pouvez même le trouver au Baron Rouge et boire un coup avec Quentin Rollet.

http://lebaronrouge.net

 

Et chez votre disquaire préféré bien sûr aussi !

 

Entretien réalisé le 14 novembre 2020

 

(*)Cette semaine la programmation de la page SOP est confiée à Sasha Andrès :

Labradford

https://youtu.be/RGUktDaIKMI

Amusers And Puzzlers

https://www.youtube.com/playlist?list=OLAK5uy_nz6aoUaigGb...

Demdike Stare

https://youtu.be/ADfcaSBwDug

Kurws

https://soundcloud.com/kurws/tasiemiec-niejadek-96khz-24bit

Rien Virgule

https://youtu.be/ov34XQQH4RY

Microburst

https://soundcloud.com/microburst/skeng-mash-up-feat-the-...

Sensational

https://soundcloud.com/sensational-1/02-strangely-shaped

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

19:13 Publié dans Entretiens | Commentaires (0)

22/11/2020

LA SUR-MATERIALISATION DE LA MUSIQUE

LA SUR-MATERIALISATION DE LA MUSIQUE

 

Depuis quelques années je ne mets plus les pieds chez les disquaires.

 

J’ai tant aimé ça pendant des lustres mais je suis presque comme ces anciens alcooliques qui savent qu’un petit verre suffit pour revivre l’enfer…

 

J’en ai fréquenté depuis l’adolescence et un peu plus à chaque fois que mon autonomie de déplacement puis financière me le permettait…le Nuggets de Vélizy 2, la Fnac Montparnasse, New Rose, Gibert, Danceteria, Boulinier, Parallèles, Gilda, Terminal Records, Les E.P.E, Rough Trade, U-Bahn, Le Silence de la Rue, Born Bad, les éphémères boutiques techno du quartier Bastille, d’occasion d’une saison… Bimbo Tower surtout dont la fermeture signa pour moi une sorte d’arrêt de la consommation de disques. Bien sûr je continuais de chiner en vacances dans les Emmaüs et vides greniers mais sans l’entrain d’antan.

 

Surtout n’ayant plus à programmer chaque lundi nos fameuses émissions « nouveautés et vieilleries » à partir de 2012 je n’avais plus besoin d’avoir sous la main toute cette collection toujours en croissance de disques…plusieurs milliers qui allaient bientôt rejoindre le grenier de ma maison en Auvergne car oui, mes enfants avaient bien le droit d’avoir une chambre chacun et il fallait choisir !

 

Au passage c’est quand vous avez une centaine de cartons de disques à déménager que vous pouvez compter sur les vrais amis, éternels mercis à LMC, Eric, Revue Recoins…

 

Bref, je me retrouvais sans disques vinyles, sans platines, avec encore des CD (mais bof…) et moins envie de musique de toute façon. C’est aussi mon métier alors parfois ça sature.

 

La technique moderne ne mets-elle pas à notre disposition toute la musique du monde instantanément à portée d’oreille ? C’est presque vrai, un coup de Youtube et on trouve des raretés incroyables, une K7 démo d’un groupe punk yougoslave de 1983, un live de Pink Floyd de 1973 sur la face cachée de la lune, une répétition des Residents, un inédit de Pierre Henry, le prochain machin truc bidule pas encore sorti et que sais-je encore…oui mais personne n’a été foutu de mettre Quack Quack Baby Quack Quack des Subtle Turhips leur 1er 45t sur Black et Noir de 1992 (on trouve la face B…).

 

Oui, on peut s’en contenter de ce virtuel tentaculaire là mais parfois comme l’ex alcoolique qui replonge, un bon petit disque vinyle d’un chouette groupe, on a envie de l’acheter, de l’avoir entre les mains, de le poser sur la platine et de reproduire ce rituel d’écoute tant chéri.

 

Mes platines sérieuses sont avec mes disques en Auvergne mais j’ai chiné une platine portable, donc j’ai replongé…

 

Et c’est là que je m’explique enfin sur la Sur-matérialisation de la musique.

 

Je reçois mon album vinyle commandé via Bandcamp et je m’aperçois qu’il contient aussi la version CD. Je n’avais pas fait attention.

 

J’ai déjà là, non pas un mais 4 supports matériels de par mon achat : 

 

1 ) le vinyle que j’écouterai tranquille au coin du feu, que j’utiliserai pour mixer un jour dans un podcast si je me remue un peu pour vous en proposer à l’avenir…

 

2 ) Le CD que je j’écouterai en bagnole sur l’A71 entre Orléans et Clermont-Ferrand, je roule très peu mais il faut de très bons disques pour supporter ce parcours.

 

3) Les fichiers qu’on peut télécharger en achetant sur Bandcamp alors autant le faire sur mon ordi, c’est toujours une copie de sécurité.

 

4) Le streaming illimité via l’application sur mon téléphone, bien pratique pour éplucher les patates dans la cuisine sans se taper France Infox en fond sur la radio…

 

4 .02 je me souviens que j’ai un abonnement gratos à Deezer par le boulot que je n’utilise presque pas là encore l’album s’y retrouve.

 

  1. 03 l’album étant sur les plateformes de streaming il existe aussi par génération automatique sous forme de playlist Youtube gratos…

 

  1. 04 pour compléter ça en beauté je pourrais me faire une bonne vieille copie K7 à l’ancienne, non ?

 

 

Donc quand on parle de Dématérialisation de la musique c’est bien un de ces mots de novlangue mensonger qui réduise la réflexion à des mêmes.

 

La musique actuelle même sans support physique est SUR-Materialisée et demande une chaine technique incroyablement complexe en échanges d’information et d’énergie.

 

Elle n’est pas seulement la gravure d’un disque distribué en magasin puis lu sur appareil domestique fait pour durer des dizaines d’années, puis reposé sur son étagère sans consommation énergétique comme c’était le cas au 20eme siècle mais un flux constant en tension et en expansion qui ne pourra que finir dans une ultime surchauffe…séparément ou conjointement à un effondrement plus global, c’est une possibilité…

 

 

Alors je brancherai mon éolienne agricole et poserai sur ma platine ce vinyle acheté en ce mois de novembre 2020 et il tournera sur ma vieille platine Sony :

 

« C’est vraiment super ce disque, je me demande s’ils ont encore de l’électricité à Vendôme ».

 

https://ropoporose.bandcamp.com/album/kernel-foreign-moons

 

ropoporose.jpg

 

 

Ils viennent aussi de sortir la BO d’un ciné-concert du Dark Star de John Carpenter

https://ropoporose.bandcamp.com/album/dark-star

dark star.jpg