31/01/2021
Sur la planète MelmACHello
Je connaissais un groupe de Half Beat dont nous tairons le nom mais ils ont rangé leurs claviers depuis longtemps. (Cette blague sera comprise par deux personnes au monde dont moi).
JyD: Pourtant le concept de jouer en demi-temps était intéressant, dommage.
Par contre l’unique groupe de Alf Rock vient de sortir un nouveau disque et c’est Melmac !
JyD: Du demi-rock effectivement, l'autre moitié est constituée de références peu glorieuses, croyez-moi.
LR : Melmac est devenu pour le coup MelmAcHello.
A.C. Hello (comme chantaient les Beatles) les a rejoints pour poser sa voix et ses textes étranges sur leur noise rock aiguisé et psychédélique.
A.C. Hello : Je peux ajouter ici subrepticement que le "A.C. Hello (comme chantaient les Beatles)" vient de me clouer d'un fou-rire de dix minutes sur ma chaise ?
C’est donc sous la forme d’un quintet que la planète Melmac croise cette fois notre orbite terrestre : le noyau dur, les frères Luc et Nicolas Reverter, est accompagné aux percussions telluriques par Jean-Yves Davillers du groupe KG, par Quentin Rollet au saxophone (l’album sort sur son label Bisou) et par A.C. Hello dont la voix possédée entre chant et récitatif transforme cet enregistrement en un étrange recueil de nouvelles incarnées.
Nous avions reçu Melmac en session à la radio il y a bien des années (Je crois même que nous étions encore jeunes) et ils avaient joué à l’un des festivals Songs Of Praise (?) aux Instants Chavirés. J’ai beau être archiviste, je n’ai pas retrouvé les dates… Puis ma mémoire s’effiloche sur la suite de leur parcours donc je suis bien content de les retrouver !
Bisou embrasse tous les aspects éditoriaux avec ce projet : disque, livre, illustrations… (
Q.R.: Il s’agit en fait d’une co-production avec Melmac et A.C. Hello)
1_Melmac, avez-vous plus de mémoire que moi ? Vous vous souvenez de votre venue et session à la radio ?
LR : Je me souviens de l’accueil, des amis sur place, Nico, Franck, Jérôme. Un bon moment, comme d’habitude. Nous sommes tous, je crois, d’une même communauté de passionnés, tous actifs : spectateurs, musiciens, journalistes, organisateurs de concerts, etc. Ça, c’est génial. Songs of Praise et les Instants Chavirés sont pour nous des acteurs importants de cette vie artistique.
N.R : Oui, bien sûr ! Je viens de retrouver dans mes archives, le 24 Mars 2008. Excellent souvenir, je me rappelle d'un concert diffusé en direct et d'une interview. On avait enchaîné avec le festival RONDA quelques jours après aux Instants Chavirés avec Arnaud Rivière, les cultissimes SUN PLEXUS 2, AKOSH S. & ERIKM et MELMAC, et avec une mini tournée SUN PLEXUS 2 / Arnaud Rivière / MELMAC. Que des bons souvenirs !
2_Comment s’est passé la rencontre avec A.C. Hello ? J’ai trouvé une vidéo où elle joue en concert avec Quentin Rollet, c’est par son biais ?
A.C. Hello : Personnellement je n'ai jamais vraiment su si c'était Patrick Müller ou Quentin Rollet, qui avait glissé mon nom à l'oreillette de Melmac ; cette interview est enfin l'occasion de démêler cette sombre histoire.
Q.R.: J'ai rencontré A.C. pendant l’enregistrement-son
d’Animal Fièvre, double-album produit par Trace Label.
Patrick Müller m’avait demandé de venir jouer, ainsi qu’à Laurent Saiët, Thierry Müller et Jean-Noël Cognard pour les prises de base. Après il y a eu des prises de Guillaume Loizillon et Jac Berrocal. C’est donc une sorte de « super- groupe » qui est quasiment impossible à rassembler sur scène ou à faire tourner. J’ai donc pensé qu’une collaboration avec Melmac pourrait fonctionner et serait beaucoup plus simple à gérer.
LR : ...et le reste s’est fait simplement en échangeant sur nos univers artistiques, en cherchant à la fois des intersections et des pistes de créations communes. Tout cela est venu assez naturellement ensuite, une fois la rencontre faite.
N.R : Après quelques mails échangés, on a fait une première session d'improvisation où il a été assez évident qu'il fallait qu'on pousse notre collaboration plus loin.
3_Comment avez-vous organisé l’enregistrement ? La part de préparé et la part d’improvisation, musique et textes ?
JyD: La démarche travaillée de longue date maintenant est semi improvisée, donc toujours préparée mais imprévisible suivant le moment, histoire de ne pas faire de merde totale.
LR : L’organisation de l’enregistrement a été assez chaotique. Nous avions convenu d’une résidence avec le Landy Sauvage, un lieu autogéré de Saint-Denis. On voulait initialement y mettre en place une résidence et un concert. Ça c’était le plan. Le préfet en a décidé autrement en voulant faire déblayer le lieu le week-end où nous étions là. Plus question de concert. Que faire du coup ? Nous voilà littéralement enfermés dans une pièce d’où nous devions sortir l’un après l’autre comme des cosmonautes sortent de leur capsule. Autour de cette pièce : des activistes, des sans-papiers, des enfants, en train de préparer soit leurs barricades soit leur départ, et autour... un No Man’s Land d’où potentiellement, à tout instant, des cars de policiers pouvaient surgir toutes sirènes hurlantes. Que faire quand un monde s’écroule ? Accepter l’inconnu, la peur, l’urgence.
Préparer quelques micros, sentir l’énergie et la poser sur bande, juste pour voir... cela a été notre choix.
N.R : Je crois que nous étions tous les cinq résolus à faire quelque chose de ce temps passé ensemble au Landy Sauvage. Notre temps partagé à cinq reste finalement assez rare, on ne se voit pas énormément. Nous n'avons pas peur de nous adapter aux imprévus… à la limite, j'irais même jusqu'à dire qu'on assume pleinement ce côté chaotique et qu'en acceptant pleinement cet aspect, nous en avons fait un moteur créatif au fil des ans. En arrivant au Landy Sauvage, nous avions 4 morceaux, à peu près structurés, fruits d'un travail d'improvisations passées, des structures s'étaient alors dégagées. Nous avons alors enregistré plusieurs versions, dans une certaine urgence. Le dernier morceau du disque est une improvisation sur les bases d'un texte proposé sur place par A.C. Nous l'avons joué tel quel. Il y a eu ensuite quelques éléments de post production pour les autres morceaux et un travail de mixage assez conséquent, tout en gardant l'esprit et l'ambiance du moment.
4_ A.C., quand tu écris, tu destines à l’avance certains textes à être accompagnés de musique ?
A.C. Hello : Mes textes sont issus de livres hybrides, qui mélangent narration, dialogues et ce qu'on nomme "poésie" (le mot "poésie" est un fourre-tout pratique pour qualifier bien souvent des textes de littérature contemporaine, qui désormais élargissent radicalement le "genre" de la poésie). Dans ces livres, il y a des parties, dont je sais qu'elles seront projetées à l'oral, à la voix seule ou accompagnées de musiciens. Mais je n'écris pas pour être accompagnée en musique. C'est une fois le texte écrit, que j'opère des choix.
5_A.C., comment qualifierais-tu le registre littéraire des textes ? Cauchemar sociétal ? Aliénation horrifique ? (C’est mes termes à moi…)
A.C. Hello : Effectivement les textes prélevés pour cet album sont plutôt sombres. Mais enfin... finalement pas plus sombres que bien d'autres textes qu'on peut entendre dans la noise ou le rock. Si on replace ces textes dans leur contexte : ils sont issus des livres Paradis remis à neuf, Naissance de la gueule & Koma Kapital et sont d'infimes parties d'un vaste tout mêlant dérision, gravité, ironie... Après, s'il faut vraiment trouver des qualificatifs, il y a peut-être celui-là, qu'Amandine André avait écrit à l'époque : "langue monstrueuse & irréconciliée".
6_Jean-Yves, tu es l’auteur des illustrations (collages montages fantastiques rétro) elles sont arrivées à quel moment de l’album ?
JyD: Pour le visuel de l'album très tôt après l'enregistrement, pour le reste à la réécoute du mixage qui a été trop long, d'où le foisonnement de visuels, désolé.
Q.R.: Jean-Yves s’occupait déjà du visuel de Melmac depuis quelques années : pochette d’album, visuels Bandcamp, peau de grosse-caisse et surtout le jeu de cartes qui sert à orienter nos improvisations !
7_Quentin, 2020 c’est l’année de tous les records pour toi tu as participé à un nombre impressionnant d’albums ! Où
trouves-tu toute cette inspiration ?
Q.R.: Comme tu dis, 9 sorties physiques plus deux en numérique seulement en 2020, c’est plutôt pas mal.
Depuis 2019 j’enregistre beaucoup, avec pas mal de projets différents. Les projets en cours (en mars 2020 on va dire) comprenant des dates avec Nurse With Wound, des concerts en trio avec Ghédalia Tazartès et Jérôme Lorichon, l’enregistrement d’une musique de film pour Narimane Mari avec Cosmic Neman de Zombie Zombie et encore Jérôme et Ghédalia (on devait présenter le projet au Centre Pompidou et au MoMA), il y a aussi eu des rencontres avec les musiciens de l’ARFI et COAX que j’ai mis en relation, et toujours la partie production avec le label/éditeur BISOU que je co- dirige avec Isabelle Magnon. Malgré toutes les dates et projets annulés, j’ai quand même réussi à faire quelques concerts fin 2020, une résidence pour un enregistrement avec Xavier Mussat et il y a un projet qui se dessine avec Martin Palisse, jongleur qui travaille beaucoup avec la musique.
Et je dois aussi dire que le premier confinement m’a amené à acheter de quoi enregistrer en multipiste chez moi. Et j’ai donc proposé à des amis de m’envoyer des pistes pour que je joue dessus. Kim a répondu très vite et notre album en duo est sorti avant la fin de l’année. En 2021 devraient donc sortir les autres disques sur lesquels j’ai enregistré avec Richard Frances, Ben (Yeti Lane), Andrew Sharpley, Philippe Thiphaine, et plein d’autres.
Quant à l’inspiration, ma manière de travailler reste l’improvisation. Donc prioritairement l’écoute des autres afin de pouvoir apporter le meilleur de moi-même à l’instant où la musique se fait. C’est en général intense, concentré, et donc en même temps pas du tout fastidieux. Ce qui me permet de pouvoir « enchainer » les projets.
N.R : J'en profite juste pour dire à quel point je suis fier et heureux d'avoir croisé sur mon chemin des personnes aussi impressionnantes que Quentin, Jean-Yves et A.C.... Sans bien sûr oublier mon frère Luc, sans qui mon rapport à la musique serait tout autre.
8_Jean-Yves, Des nouvelles de KG ?
JyD: Le groupe a splitté dans l'ombre mais un album posthume doit voir le jour, peut être.
9_ A.C., des projets de parution de livres ou d’autres projets musicaux ?
A.C. Hello : J'ai deux autres projets musicaux en tête, oui, mais c'est encore trop flou pour en parler. Concernant les parutions : le livre Koma Kapital sort en mars 2021 dans la collection Al Dante (éditions Les presses du réel). Les textes des morceaux "En suspens" et "Cette seconde" en sont issus. Ce sera le dernier volet d'une série de textes amorcés en 2015, après Naissance de la gueule et les textes de Chambre froide (collectif, Les presses du réel, coll. Al Dante, 2020). L'écriture dans Koma Kapital est centrée sur le choc, sa persistance, et la cruauté qui peut avoir cours, parfois, dans le monde du travail.
10_Melmac, Bilan et projet, vous avez de la bouteille vous regardez comment votre déjà long parcours ? Vous préparez de nouveaux enregistrements ?
JyD: Chaque rencontre étant un album, nous avons de quoi rivaliser avec Zappa normalement, pas de souci.
LR : Le monde change et c’est génial. Plus le chaos se généralise, plus il devient essentiel de s’inscrire dans l’instant, de vivre l’instant présent. C’était le sens de notre démarche et elle m’aide vraiment dans ces heures pas toujours faciles. Plus largement, je trouve que ces musiques innovantes, improvisées libres, sont tellement d’actualité.
Pour bilan, que te dire... j’en fais pas vraiment. J’ai vécu des choses géniales dans ce monde de la musique, rencontré des gens géniaux et cela m’a permis de me construire.
Le futur ? J’en sais rien, vraiment. Des enregistrements certainement, des rencontres nouvelles aussi, du rire, de la passion, de l’envie... Je te dirais que ma vision du futur est juste de vivre toujours plus intensément que possible le présent.
N.R : Que du bonheur ce parcours, des rencontres, des choses à raconter. Et j'ai toujours l'impression qu'on en est qu'au début. Alors oui, plein d'envies. Bon, le contexte n'est pas super favorable... C'est pas grave, il nous faut nous adapter, c'est bien pour la création, un peu de contrainte. Réussir à s'inscrire dans le moment présent, en faire une photo, un instantané.
11 Dès que possible on pourra vous voir en concert avec ce projet ?
JyD: Inch'Covid en 2021
LR : Oui bien sûr. Nous travaillons à ça. Tout vient à point... dans l’attente, c’est aussi l’occasion de travailler sur de nouveaux formats, des nouveaux possibles. Les temps sont propices pour tenter des choses nouvelles. Essayons !
A.C. Hello : Si les circonstances le permettent, on donnera un concert au Générateur (Gentilly) le 27 mars 2021 lors du festival L'Échappée, et en septembre 2021 lors du festival Ourdir. Il est question aussi d'un concert filmé en Mars par l'équipe de Froggy's Delight, retransmis sur leur chaîne Youtube avec interview en direct.
12_ Question bonus : un informateur secret m’indique qu’au moins un de vous pratique la boxe française (moi aussi), il n’y aurait pas moyen de faire un album concept « poings pieds » ?
JyD: oui, mais joué pieds et poings liés
A.C. Hello : Perso, je pratique la pinte française et un album-concept "lever de coude" me conviendrait plus.
LR : Tout est possible. Mike Tyson disait fort justement que « tout le monde a un plan jusqu’à ce que le premier coup de poing arrive dans la figure ». Donc pourquoi pas, l’important c’est ça, non : un risque, de la passion, de l’excitation, se laisser aller et y aller de tout son cœur. Il y a cela dans les sports d’opposition, dans la musique aussi. Donc oui ! À fond !
N.R : Je ne sais pas te répondre. J'essaye actuellement d'arrêter le sport.
https://www.bisou-records.com/produit/melmachello-bookcd/
https://bisourecords.bandcamp.com/album/le-cas-tr-s-inqui-tant-de-ton-cri
20:54 Publié dans Entretiens | Commentaires (0)
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